Accueil » La chouette chevêche Athéna à Meyrieux-trouet
La chouette aux yeux d’or
(texte : Fanny et Joël REIGNIER ; Photos : Joseph MERCORELLI et Joël REIGNIER)
Eté 2018 : cela fait plusieurs soirées que l’on entend des cris étranges, le plus souvent au crépuscule. Nous avions déjà pu entendre ces genres de « miaulements » aboyés l’année précédente, sans pour autant savoir de quel animal ils provenaient. Le plus souvent les cris semblent venir tout droit du grand noyer derrière la forge mais difficile de distinguer quelque chose tant l’arbre est touffu à cette époque de l’année. Je cours chercher ma lunette d’observation pour scruter l’arbre en détails. Oh, elle est là, immobile, posée sur une branche à mi-hauteur. Cette petite boule de plume est trop mignonne. Ses grands yeux d’or m’observent avec gravité. Voilà comment s’est passée ma première rencontre avec une Chevêche d’Athéna (anciennement appelée chouette chevêche). Elle fait partie des rapaces nocturnes et tire son nom de la déesse grecque Athéna (fille de Zeus), déesse de la sagesse et de la science. De la taille d’un merle noir mais en plus trapue quand elle ne se dresse pas sur ses pattes, elle mesure une vingtaine de centimètres, pèse entre 150 et 200 g et a une envergure d’environ 60 cm (les ailes déployées). Elle est de couleur brun roux avec des tâches crème (sauf sous la gorge, partie qui est visible uniquement lorsqu’elle se redresse). Une des particularités de cette espèce est de présenter une tâche blanchâtre en forme de « V » à l’arrière de la nuque. Cette particularité, couplée à la mobilité de sa tête sur 270 degrés, fait que parfois on ne sait pas si l’on voit l’avant de sa tête (les yeux fermés) ou l’arrière.
Avec le temps, nous avons appris à la connaitre, car contrairement à d’autres oiseaux qui migrent pendant la mauvaise saison, la chevêche d’Athéna est considérée comme une espèce sédentaire. Nous avons la chance de pouvoir observer ce couple dans notre petit village depuis plusieurs années maintenant et nous espérons que cela continuera encore longtemps car cette espèce a une espérance de vie d’une dizaine d’années environ. Comme la majorité des rapaces nocturnes, la chevêche d’Athéna est généralement plus active à la tombée de la nuit (surtout quand il fait chaud) mais elle peut rester très active la journée (entre deux siestes), ce qui en fait la plus diurne de sa famille (strigidés). Une partie de son temps est consacrée au toilettage qui consiste à remettre de l’ordre dans son plumage et à nettoyer ses pattes et ses serres. Toujours aux aguets, la chevêche peut rester immobile de longues heures, souvent aux mêmes endroits stratégiques. Plus difficile à observer dans les arbres (surtout lorsque le feuillage est présent), c’est lorsqu’elle se pose sur les toits ou les cheminées que l’on peut la repérer plus facilement. La chevêche d’Athéna a un régime carnivore et capture toutes sortes de proies comme des insectes, des petits oiseaux (jeunes hirondelles, mésanges), des lézards et même des vers de terre, des limaces ou des escargots. Son régime alimentaire dépend souvent de la saison et de l’abondance des proies.
D’une manière générale, les chevêches d’Athéna vivent dans les milieux ouverts tels que les champs, prairies ou vergers mais s’installent souvent proches de l’homme, là où il y a des habitations (maisons, granges) dans lesquelles elles cherchent des cavités discrètes, à l’abri de la pluie, où elles peuvent nicher. Trouver le nid (ponte) n’est pas nécessairement simple car ces chouettes aménagent plusieurs « nids » où la femelle et le mâle se reposent, séparément. Je me souviens de nombreuses soirées au printemps à flâner dans le village du Rizolet pour essayer de trouver de quelle cavité elles pourraient sortir. Et quelle joie lorsque l’on pense avoir trouvé le site de ponte ! La saison des amours commence généralement fin mars et c’est à ce moment-là que l’on a le plus de chance d’entendre et de voir le mâle appeler sa femelle. La plupart du temps la femelle va rejoindre le mâle et il est alors possible d’assister à des sortes de câlins entre les deux protagonistes où l’un des partenaires semble fouiller dans les plumes de l’autre avec son bec. Ces marques d’attention rendent cette espèce très touchante. Plus rare encore, nous avons pu observer à plusieurs reprises des accouplements (réels ou fictifs) et cela même en plein hiver. Après la ponte, la femelle couve les œufs pendant environ 28 jours et c’est le mâle qui doit alors nourrir sa compagne et éloigner les éventuels intrus qui tenteraient de s’approcher un peu trop près de sa future progéniture. A leur naissance, les petits oisillons seront nourris exclusivement par la mère pendant 10 à 15 jours mais ce n’est qu’après 4 à 5 semaines qu’ils pourront quitter le nid, souvent même avant de savoir vraiment voler. Et c’est à ce moment-là qu’ils sont le plus vulnérables. Les jeunes vont alors explorer toutes sortes de perchoirs et leur prédilection va souvent aux toits et en particulier à leurs cheminées. Malheureusement, il arrive que des jeunes tombent au fond des conduits de cheminée et il faut alors compter sur la bonne volonté des propriétaires pour les en sortir (un grand merci à eux !). Après quelques mois, les jeunes ressemblent beaucoup aux adultes et doivent quitter l’aire de leurs parents pour aller s’installer ailleurs. Plusieurs couples ont d’ailleurs été identifiés sur notre commune (village du Rizolet, chef-lieu ou encore dans la zone de la chapelle de Trouet) et on peut imaginer que les différents couples sont parentés, ce qui serait un signe qu’elles se plaisent ici et que notre commune est propice à leur développement. En revanche, cette apparente prospérité ne doit pas cacher une autre vérité. En effet, depuis la seconde moitié du 20ème siècle, l’évolution de l’agriculture a fait non seulement diminuer le nombre d’arbres à cavités dans lesquelles nichent les chevêches mais a aussi fait fortement diminuer la quantité de proies disponibles. Et même si cette espèce n’est pas menacée, elle est considérée aujourd’hui comme une espèce « en déclin » alors soyons bienveillants avec nos petites chouettes ! Evitons de laisser trainer des seaux, gerles ou abreuvoirs remplis d’eau sans système anti-noyade (une simple planchette en bois suffit), évitons de ramasser les jeunes en croyant bien faire et posons des grillages sur nos cheminées afin d’éviter qu’ils tombent dans les conduits. Evitons d’utiliser des pesticides dans nos jardins, conservons le plus possible les vergers (notamment les pommiers), tout comme les arbres à cavités ainsi que les haies et les petits boisements. Il faut également penser à maintenir les ouvertures lors des rénovations des maisons de village et à conserver certains bâtis agricoles anciens.
© Joël Reignier
Une cheminée offre non seulement un bon poste d’observation mais également un abri en cas de pluie
© Joël Reignier
La chevêche recherche souvent le point le plus élevé, comme le faîte de ce hangar à foin
© Joseph Mercorelli
Croiser le regard de la chouette aux yeux d’or reste toujours un moment magique
© Joseph Mercorelli
Même couchée, position plutôt inhabituelle à l’extérieur, elle continue de scruter son environnement
© Joseph Mercorelli
Souvent perchée dans un arbre, elle reste difficile à observer tant elle se fond dans le paysage
**** Pour aller plus loin:****
Pascal Etienne, « La Chouette Chevêche – Biologie, répartition et relations avec l’Homme en Europe » Editions Biotope, Mèze (Collection Parthénope), 280p. (2012)
Fabrice Chanson « Chouette ! La chevêche d’Athéna » Editions Rustica, 175p. (2012)
Christian Fosserat & Bernard Bertrand « Les quatre saisons de la Chevêche » Editions de Terran, 132p. (2005)
Jean-Claude Génot & Patrick Lecomte « La chevêche d’Athéna. Biologie, mœurs, mythologie, Régression, protection… » Editions Delachaux et Niestlé, 144p. (2002)
Romain Sordello « Synthèse bibliographique sur les traits de vie de la Chouette chevêche (Athene noctua (Scopoli, 1769)) relatifs à ses déplacements et à ses besoins de continuités écologiques. » Service du patrimoine naturel du Muséum national d’Histoire naturelle. Paris. 19p. (2012)
Ecoute de chants sur le site internet : https://www.oiseaux.net/oiseaux/cheveche.d.athena.html
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